mardi 3 mai 2016

Don de lait

Aujourd'hui je voudrais vous parler de la démarche que j'ai entrepris début mars, un peu sur un coup de tête : le don de lait maternel.

J'en avais rapidement entendu parler à la maternité, puisque la brochure du lactarium faisait partie du lot des papiers. Mais je venais d'accoucher, donc l'information n'est pas restée enregistrée. J'ai commencé à y repenser vers janvier, lorsque mon stock de lait congelé pour la crèche était assez important pour voir venir. J'ai appelé et youplaboum une semaine après je recevais le kit de don à la maison, avec les instructions.

Pour donner il y a donc une prise de sang à faire, pour checker tout ça et pour vérifier si, comme pour le don de sang, vous êtes autorisées à donner. Il y a tout un protocole avant de tirer pour le lactarium : stérilisation des téterelles (ici eau bouillante pendant 20mn), puis se laver les mains, puis tirer, puis remplir les petits biberons stériles et zou au congélateur avec la petite étiquette. Ca prend donc une certaine place. A la maison nous avons un tiroir exclusivement réservé au lait, que ce soit pour le lactarium ou la crèche.

La nana appelle toutes les trois semaines pour faire le point sur mon stock et voir si elle se déplace. Il n'y a pas des lactariums partout (19 lactariums sur toute la métropole pour faire un don, je ne parle pas des lactariums qui s'occupent de ce qu'on appelle le don à usage interne, où c'est la mère pour son enfant) donc il est certain qu'elle va se frapper 200 bornes pour récupérer deux petits biberons. J'ai lu des témoignages qui se plaignaient beaucoup de ça, en disant que le lactarium se moquait du monde et qu'il était lourd de se rendre disponible une seule matinée imposée. Oui, c'est lourd, mais je ne pense pas que ça vienne d'une mauvaise organisation du lactarium qui fait face comme tout les services à dimension sociale et citoyenne au manque d'argent, et à la mauvaise volonté d'y mettre.

Tout comme le don de sang, le don de lait est toujours plus ou moins en équilibre, plus déficitaire qu'autre chose. Cela pose problème car en-dessous de 1,5kg, la digestion du lait artificiel est très difficile. Idéalement les lactariums aimeraient faire bénéficier de ce lait à tout les prématurés, plus fragiles, mais ce manque force à choisir, à faire des catégories. A Montpellier, par exemple, comme précisé lors d'un reportage, seuls les nourrissons nés en dessous de 32 semaines peuvent en bénéficier. Face au déficit, il a fallut choisir.

Le slogan des lactariums est axé sur le surplus, arguant que c'est donc simple de donner. Pour ma part je ne suis pas dans cette démarche car ce n'est pas un réel surplus mais plutôt un surplus créé. De plus, au vu du protocole, ce n'est pas forcément simple. Si vous vous attendez à ça, vous allez être déçues du voyage. Ca prend du temps, c'est une organisation. Je tire actuellement deux fois dans la journée, le matin pendant la tétée et le soir, vu que je ne fais pas téter ma fille au coucher. Il y a encore deux semaines je pouvais consacrer un tirage pour la crèche, et un autre pour le lactarium, mais avec son changement de rythme de tétées, le fait qu'elle recommence à téter 2 fois la nuit et ma fatigue, ma production s'affaiblit et il me faut deux tirages pour remplir 100 à 130ml. Du coup je pense que la prochaine collecte ne se fera pas dans trois semaines, mais peut-être 6 !

Vous trouverez sur internet des sites qui vous disent que passé 6 ou 9 mois, le don n'est plus possible car la constitution du lait n'est plus adaptée. Ma fille a eu 9 mois la semaine passée et je continue de donner.


mardi 29 mars 2016

Ah Paris !



Nous avons profité de ce weekend prolongé pour faire un petit tour dans la Capitale, entre amis et avec notre poulette de 8 mois. Cet article sera le moyen de vous parler de quelques adresses sympas, agréable à faire avec un bébé, et vous contaminez à ce foutu virus dépeceur de porte-monnaie : la bougeophilie.

On a voulu partir le plus léger possible, du coup nous sommes montés sans lit parapluie et sans poussette, seulement armés de l’écharpe (pour moi), de l’Ergo Baby (pour lui) et de notre chaise nomade, le réhausseur d’Aubert Concept. Cette dernière ne nous quitte plus et du coup on va investir dans un modèle encore plus transportable, car celle qu’on a ne se glisse pas facilement dans un sac.Pour faire mon choix, j'ai fouiné dans un de mes blogs favoris de parents voyageurs pour dénicher cet aricle.

Dans notre entourage, tout le monde s’est récrié à cœur et à cris en constatant notre souhait de ne pas prendre de lit parapluie et de ne pas aller dans un hôtel, là où nous pourrions en avoir un plus facilement. On voulait partir en airbnb. Et comme nous sommes un tantinet têtus, plus on nous déconseillait de le faire, plus on était décidés. Nous étions déjà partis pour le nouvel an en airbnb mais l’organisation était différente puisque nous arrivions en voiture (donc avec tout le barda nécessaire) et dans le fin fond de la montagne (donc pour se garer, décharger, stocker, c’était très facile). J’ai orienté les recherches d’appartement sur les deux pièces minimum, pour que celui qui s’occupe du réveil matinal du monstre puisse quitter l’espace nuit pour laisser l’autre dormir. Dans la théorie on voulait également la cuisine pour faire un repas, ou même le sien, mais on a fini par être invités au restaurant tout le temps. On a trouvé un charmant appartement dans le 19ème, pas loin de la station de métro Jaurès, dont une des chambres avait un couchage en futon donc idéal pour faire dormir tout le monde au sol de manière sécure.

Niveau diversification, ayant 8 mois on s’est pas trop pris la tête. Elle est encore allaitée et c’est pas pour deux midis solides qui sautaient que ça allait être compliqué. Sur le weekend elle a chourré quelques légumes de nos assiettes et mangé du pain. Et open-bar du nichon, c’est vacances pour tout le monde.

Le canal Saint-Martin
Une partie est actuellement en travaux, donc ça a moins de charme, mais cette balade est idéale avec un petit : il y a de l’eau, les bords des quais sont jolis, et on tombe sur quelques fresques de street art fort charmantes.



Le Père Lachaise
C’est la première fois que j’y mettais les pieds. Un conseil : regarder sur internet avant et lister les tombes des personnalités que vous avez envie de voir. Ainsi, sur place, ya plus qu’à prendre le plan en photo et c’est parti ! Une balade extrêmement intéressante historiquement et visuellement parlant (certaines tombes sont des mini-églises, rien que ça), mais aussi très agréable (même si ça doit être encore mieux à une période où les arbres ont leurs feuilles). C’est intéressant de voir que les tombes de gens très célèbres sont parfois très sobres, presque nues, à l’image de celle d’Eluard qui était presque invisible à côté de celles des communistes résistants. Je me disais que c’était parfait à faire avec des grands parce qu'il faut les trouver, ces foutus tombes. Mis à part le panneau à l’entrée, après il n’y aura rien pour indiquer les tombes recherchées. Donc un jeu de pistes tout trouvé ! D’ailleurs, on a pas trouvé celle de Saint-Exupéry, la déception. J’ai également beaucoup apprécié l’allée avec des stèles honorant la mémoire des soldats étrangers mots pour la France. En ces temps où la fraternité s’étiole, le message reste fort (mais mon côté râleuse regrette l’absence de stelle pour les soldats des DOM-TOM).




Et sinon, se balader, au hasard des rues pour découvrir des impasses, des rues, des affiches ou des graffs qui nous en mettent plein les mirettes.

Restaurants/Bars

  • -Palais de l’Inde,  57 avenue Gambatta, en face du Père Lachaise

On y est allé le soir, mais c’est également ouvert le midi. Les menus sont vraiment abordables (16 ou 18€ le soir, autour de 10€ le midi) et le service est très rapide. Et tout ça sans enlever au goût juste dément de l’adresse. Le personnel est tellement choupi que ça te donne envie de leur faire des bisous (mais bon, on avait un peu beaucoup de morve de bébé sur nous, on a préféré éviter).
  • Les petites indécises, 2 rue des 3 bornes
Nous y sommes allés officiellement pour bruncher mais les entrées ne nous attiraient pas (nous n’aimons pas le fromage, alors ça limitait grandement nos choix !) du coup on s’est rabattus sur du plat + dessert (environ 21€). L’endroit est un peu cher mais très sympathique, sur une place plutôt mignonne du coin. 
  • Le pavillon des canaux, 39 quai de la Loire
Alors là, gros coup de cœur pour ce bar très créatif, loufoque et unique. C’est une ancienne maison (de pêcheurs ? De mecs qui s’occupaient de l’entretien des canaux ?) retapée et aménagée en bar. Sauf que toutes les pièces et leurs fonctions premières ont été gardées. Donc on peut boire un coup assis dans la baignoire ou avachis sur un lit (inutile de dire que ces deux spots sont très recherchés). C’est un bar « kids friendly » avec table à langer (dans la salle de bain justement, la tablette de change est dans la douche) et des mini-copains partout. En même temps,  avec sa décoration qui attire l’œil et ses couleurs éclatantes, les petits ne peuvent être que ravis ! Il y a un brunch aussi, mais je l’ai pas goûté. 






  • Côté canal, 5 Quai de la Seine
Bistrot dans le plus chouette sens du terme : des assiettes loin d’être radines, simples mais efficaces (le burger maison est une vraie tuerie) et un personnel absolument charmant. Niveau prix, comptez environ 20€ pour plat + dessert.  

La prochaine fois on fera la Coulée verte, qui a l’air d’être une très chouette balade, et le Musée Dali !                                                                                  

jeudi 10 mars 2016

La régression du sommeil

Alors que la poupoule nous faisait des nuits franchement correctes depuis sa naissance (un mois à trois réveils, jusqu'à trois mois deux réveils et passé les trois mois, hors pic de croissance, elle n'avait qu'un réveil, qui était quasiment au petit matin), depuis ses 6 mois c'est la foire du n'importe quoi. Et c'est un petit peu beaucoup fatiguant.

Le pic des six mois 
Celui des 9 semaines m'avait laissé sur les rotules. Mais à l'époque, le pic a eu lieu lors de ma semaine de reprise du travail, qui s'était fait en douceur après nos vacances en famille. Inutile de dire que j'appréhendais GRAVE le pic des 6 mois tout en travaillant. Et sans aucune surprise, j'ai douillé à mort, me demandant une nouvelle fois pourquoi je m'enquiquinais la vie à allaiter. Une bonne semaine de tétées toutes les heures, toutes les deux heures la nuit.
Au bout d'une semaine je vois le rythme redevenir plus classique en journée (toutes les 2h environ) et je me dis "chouette, le retour du sommeil !"


Quand acquisition est liée à régression
Tu le connais ce fameux adage "un pas en avant deux pas en arrière ?". C'est un bébé qui a du l'inventer. Nous avons commencé la diversification (en DME, j'en parlerais dans un autre article !) en même temps que le pic des 6 mois, qui semble avoir été un déclic pour l'intérêt vis à vis de la nourriture. Bref, apprendre à saisir les morceaux, les mettre à la bouche, mâcher, avaler, transit différent ... Ca a bousculé beaucoup de choses donc, beaucoup de choses à intégrer, apprendre, des nouveaux rythmes, des découvertes chaque jour. Bim, 3 à 4 réveils par nuit. Radar total.

Etant donné que j'allaite et que mon compagnon a un travail dangereux, c'est moi qui gérais les nuits depuis la naissance de la poulette. Mis à part le pic des 9 semaines, jusqu'à 6 mois je gérais plutôt bien. Il se levait le samedi ou le dimanche matin, je faisais une sieste et en avant simone. Sauf que t'imagines ma gueule au travail (même si je ne travaille que deux jours) après m'être réveillée à 23h, 00h15, 2h30, 5h00, 5h45-coucou-la-journée-commence !


J'ai continué à prendre sur moi et à gérer seule les nuits, sauf celle du vendredi et samedi où mon mec gérait un des réveils. Quelle idée débile. J'ai craqué de nombreuses fois en pleurant la nuit, avec un conjoint assez dépassé qui savait pas trop quoi faire. Le jour où j'ai accepté qu'il m'aide, il est revenu du travail en disant qu'un de ses collègues s'était fait amputer d'un doigt à cause d'une blessure. RETROPEDALAGE DE L'ANGOISSE. Je l'ai laissé continué de dormir en semaine, en me disant que ça passerait.

Effectivement c'est passé. La DME était intégrée, elle mangeait de mieux en mieux, le transit c'était roule ma poule, bref, keurkeurpailletteslamaternitéc'estformidable.
Oh ...
Mais tiens, qui va là ? Serait-ce ... oh mais voilà l'angoisse de la séparation qui pointe le bout de son nez ! En avance ! Oh ben fallait pas hein, on était pas pressé.

L'angoisse de la séparation, un des trucs que j'appréhendais le plus dès que j'ai compris que notre poulette était le modèle bébé koala. Pour l'instant, avec les étrangers ça va, elle est au pire indifférente ambiance poker face et au mieux comme d'habitude, c'est-à-dire excitée comme une puce de voir d'autres êtres humains.
Mais faut pas déconner, les autres êtres humains on les regarde SUR maman. Collée. Gluée. Accrochée. Fusionnée. Extension de moi-même. A la crèche, elle ne supporte pas de voir les adultes loin d'elle. Elle veut bien jouer peinarde avec les copains, ok, mais alors la petite dame a l'ordre de rester à côté, là, quasi collé, merci, sous peine de déclencher des hurlements de terreur.
Je te laisse imaginer la gueule des nuits.
Voilà.
Du coup j'ai fini par misérablement craquer, à être à deux doigts de secouer ma fille ou de la jeter brutalement dans son lit. De la mettre en danger. Ben ce constat-là, au réveil, il éclate un peu la gueule. Du coup mon mec ne m'a pas laissé le choix, maintenant les nuits c'est à deux. Et pour ma part, j'ai décidé de la sevrer du sein la nuit car mon état de fatigue est tel que ma lactation ne suit pas. Open bar des biberons la nuit, s'il faut qu'elle mange plusieurs fois, elle mangera plusieurs fois. Mais de sein, nulle trace. La nuit où j'ai failli la secouer, je la voyais téter et ça me mettait dans une colère noire. La limite était franchie, il fallait arrêter. Et même l'accident professionnel de mon mec (heureusement bénin) ne m'a pas fait changer d'avis, malgré la pointe de culpabilité.

Depuis on a toujours des réveils, un ou deux, rarement au-delà, plus ou moins longs (de 5mn le temps de prendre le biberon à 1h, ambiance pleurs déchirants dès qu'on la pose et qu'on ose s'éloigner d'elle). Le coucher est toujours difficile. Le relai est là pour que je puisse souffler, mais clairement c'est de moi dont elle a besoin : coller son visage au mien, s'agripper à mes cheveux, sentir ma respiration, mes mains, ma voix, le battement de mon coeur. Et qu'est-ce que c'est dur de répondre à ce besoin quand tu veux dormir ou récupérer de l'espace vital. Et qu'est-ce que c'est dur de se rendre compte que malgré le maternage qu'on souhaite pour elle, on décide, pour notre protection, de ne plus répondre à son besoin de la manière qu'elle souhaite. Est-ce qu'on fait bien ? Jusqu'à quand ça va durer ? Ca passe, tout finit par passer. C'est dur de se préparer à s'envoler.

mardi 1 mars 2016

Le réflexe de comparaison, ou le lourdingue "concours de bites"

Avant d'être parent, j'étais irritée de cette constante comparaison entre enfants. Je me disais "non mais peut-être que quand tu seras mère tu seras pareille, sois compréhensive". Oui mais non, entendre un parent se vanter qu'à 10 mois son enfant parle, avec le bagage d'études que j'ai, ça me faisait profondément rire.

Et notre petite nana est arrivée. Je me suis demandé comment gérer tout ça, cette vision évidemment déformée que l'on pose sur notre enfant, notre chef-d'oeuvre. Penserais-je, comme beaucoup de parents de mon entourage, avoir engendré une génie des temps modernes ? Allais-je devenir reloue ?

Je vous spoile la suite, au cas où ça ne vous intéresse pas : non, je ne la compare pas, ou alors en des termes très neutres (sur sa taille par exemple).

La comparaison est humaine. Elle permet de se positionner, de repérer son enfant sur une courbe de "normalité", de se rassurer et de se faire mousser, histoire de se coucher avec l'idée que oui, sa gamine est formidable. Mais elle me laisse quand même sacrément mal à l'aise. Et encore plus depuis que je suis mère. Maintenant, voir une nana dire que sa fille parle à 10 mois, en plus de me faire rire, me donne des accès de rage. J'imagine des parents, moins armés, plus fragiles pour quelque raison que ce soit, lire ça. Et regarder son enfant. Et voir passer dans ce regard, cette étincelle déjà partie avant même qu'on ne puisse la retenir : la déception. Et la douleur d'être déçu. On imagine pas les dégâts que peut faire ce sentiment fugace. On pourrait me rétorquer que c'est aux autres de se protéger, que chacun raconte ce qu'il souhaite, qu'importe si ce n'est que le positif, sans aucune nuance. Oui mais non.

C'est un symptôme qu'on retrouve beaucoup sur les blogs ou pire, sur instagram. Toutes ces photos millimétrées, magnifiques, propres, belles, avec de beaux enfants rieurs. C'est normal, après tout, de montrer ça plutôt que des photos moisies. Mais l'accumulation de ces photos, cette construction de "l'univers", rend le tout franchement malsain. Toutes ces idées d'activités estampillées Montessori, tout ces DIY pour les enfants ... tout cette agitation qui nous fait oublier qu'ils ont le temps. Le temps de grandir, d'apprendre à ramper, marche, parler et que ce n'est en rien une fierté si on a un bébé au développement en apparence rapide.
C'est chouette d'être fier de son petit, et avec le boulot que je fais je dis heureusement, car voilà les dégâts psychologiques derrière, mais nous sommes en communauté. Que ce soit sur internet ou dans la vie réelle, ce n'est pas un journal qui reçoit nos paroles, mais un être vivant. Nous avons tous envie que notre enfant soit spécial, alors parfois on oublie que les enfants sont uniques ... comme tout le monde.

Cette course à la précocité m'effraie : l'escalade à qui marchera le plus tôt, celui qui parlera, rampera, fera des constructions, coucou ou aura son diplôme à Harvard. Certaines réunions de parents qui ressemblent à des check-list sur l'avance moteur et psychique de chacun des mini-bipèdes qui nous accompagnent me donnent le cafard. Cette précocité élevée comme un idéal. Et l'image de ce gamin que je reçoit dans mon bureau régulièrement, reconnu comme "haut potentiel", à côté de ses pompes, malheureux, suicidaire et qui considère que son esprit différent le trahit. Quand il part, laissant mon bureau saturé de sa détresse, je pense à tout ces parents fiers de dire qu'ils ont un enfant précoce. Et je ris jaune.
J'ai choqué une copine en disant que non, je n'avais pas envie que ma fille marche tôt, ou qu'elle parle tôt. Cette rapidité des apprentissages m'effraie. Pourtant je n'ai aucun contrôle dessus, c'est elle seule qui décidera. Mais je vois à quel point je dois me battre contre moi-même quand, insidieusement, la tristesse pointe le bout de son nez quand je dis que non, à 7 mois ma fille ne cherche pas à se retourner. Et pourquoi devrais-je me dire qu'elle est en retard ? Elle fait d'autres choses, explore différemment. Cette course à la rapidité en vient à complètement déformer ce qu'est le cadre classique du développement de l'enfant, au sens psychologique du terme. Les gens en viennent à considérer qu'un enfant qui ne marche pas à 13 mois est en retard, et qu'un enfant qui parle peu à 18 également. Quelle violence ! J'oserais même ... quelle maltraitance envers ces petits.

Et ce concours "de bites" sur les enfants me montre parfois que son origine est une souffrance : ne pas savoir complimenter quelqu'un, mal vivre une situation, vouloir être reconnue pour ses tâches ... Dimanche une connaissance a affirmé qu'elle avait besoin de congés car "ma fille c'est pas la vôtre, mon congé maternité n'en a pas été un ...". Je suis quelqu'un de calme mais là, ça a été la comparaison de trop, l'insinuation déguisée que ma fille n'était rien, qu'une gentille plante verte qu'on arrose de temps en temps, alors j'ai répondu sèchement. C'est peut-être le revers de la médaille, mon choix de ne pas parler de ma fille sauf si on m'y invite. Sauf que voilà, ma fille n'est pas là pour servir de paillasson à ceux qui ont des choses à régler avec eux-mêmes ou leur histoire de vie. Des choses à régler avec l'enfant qu'ils étaient alors et que notre société tend à faire taire.

jeudi 4 février 2016

Notes de lecture - Education pour un monde nouveau, de Maria Montessori

En tant qu'assistante sociale, je travaille à l'Education Nationale, en contact donc avec des jeunes et directement concernée par la question de la protection de l'enfance. Avant même ce parcours professionnel, le domaine de l'enfance, et surtout de la petite-enfance, m'a toujours passionnée et je suis rentrée dans ce monde par Piaget et Dolto.

Aujourd'hui j'aimerais vous parler de Maria Montessori. On pourrait se dire "inutile de la présenter". En effet, Pinterest regorge d'exemples d'activités type "Montessori" et la blogosphère est remplie d'article sur ce sujet. Mot clé : la responsabilisation de l'enfant, via la liberté et le respect de son développement.
Mais encore ? Est-ce seulement cela ? Jusqu'où va sa philosophie ? Son regard sur l'enfant est formidable, mais dans quel monde le place-t-elle ? Comme s'articule sa réflexion ?



Selon mon ami Wikipédia, notre chère Maria est née fin 19ème en Italie au sein d'une famille bourgeoise. Elle décide de devenir médecin, ce qui pour l'époque et l'avancée des droits de la femme était assez fou. D'ailleurs ça lui plaît pas trop, à Papa Montessori, que sa fillette devienne médecin, tout comme les universitaires qu'elle côtoie qui n'aiment pas trop qu'une femme vienne leur piquer la suprématie (vilain patriarcat, vilain)(oups, on a dit pas d'éducation violente). Bref, de fil en aiguille elle s'intéresse à moult choses, devient connue, aiguise ses connaissances et ouvre une première Maison des Enfants dans un quartier craignos de Rome début 20ème. Le succès explose et elle fut connue du grand public, qui se révéla fasciné par ses méthodes et les effets incroyables sur les enfants.

Rappelons qu'à l'époque, les enfants (et ne parlons même pas des bébés, on considère encore que ce ne sont que des tuyaux tout juste capables de ressentir de la douleur) ne sont pas au top de la considération et elle pose un fait important : il faut prendre en considération l'enfant. Avoir du respect pour lui. Et non, un enfant n'est pas un adulte en puissance, qui finalement doit attendre quelques années avant d'avoir un état parfait. Un enfant est déjà un individu en lui-même. Pour cet apport incroyable dans la psychologie et la prise en considération humaine, Montessori mérite le statut de déesse.

Nous en revenons donc à notre sujet, Education pour un monde nouveau. Comment résumer ce livre ? Il y a des passages qui m'ont émerveillé et que j'ai envie de photocopier en million d'exemplaires pour le filer à tout le monde. Et il y a des passages qui m'ont fait ricaner, voir bondir littéralement de ma chaise en m'étouffant dans mes valeurs. Et là, il faut absolument contextualiser les choses, sous peine de lancer Montessori dans la fosse aux lions.

Son livre reprend abondamment son précepte phrase : l'apprentissage est une capacité innée, chez tout les enfants, qu'importe leur genre, leur sexe, leur origine ou leur lieu d'habitation. Un enfant naît pour apprendre grâce à son pouvoir d'expérimentation.
" L'éducation est un processus naturel qui se développe spontanément dans l'individu humain et s'acquiert non en écoutant des mots mais en faisant des expériences sur l'ambiance".
Ainsi l'éducateur est là pour modifier et jouer sur l'environnement, non sur l'apprentissage. C'est ainsi que les 5 sens sont sollicités notamment par le toucher avec les célèbres lettres et chiffres en reliefs.
Et c'est là que ma première critique apparaîtra. Je trouve son regard sur le jeu assez dur. Elle ne le voit que par le prisme de l'expérimentation et de l'acquisition, et presque plus dans le sens du jeu "inutile". Elle oppose jeux de poupées, de soldats et les jeux estampillés Montessori. Or, la simplicité du jeu est-elle mauvaise en soi ? Le jeu doit-il avoir toujours un but d'apprentissage ? Pour elle "le jouet a pris tant d'importance que les gens croient que c'est une aide à l'intelligence". Ainsi, les jouets d'imitation sont qualifiés de "sous-imitation" car ce n'est pas du vrai matériel et elle instaure la notion d'objets réels.
Néanmoins, l'absence de rapport maître-élève est LE point le plus intéressant dans sa philosophie de l'éducation. Elle s'appuie beaucoup sur l'exemple du langage, véritable prouesse intellectuelle, et établit qu'il ne s'apprend pas, il se développe.

Quant on parle de progrès, on pense tout de suite à la frustration des touts-petits. En effet, la psyché, les idées, vont parfois plus vite que le corps. Ainsi, l'enfant veut s'exprimer alors qu'il n'a pas les mots, déclenchant des tornades de colères. Logique. En ce sens, le développement de "signer avec son bébé" m'intéresse beaucoup et j'aimerais m'y mettre avec ma propre fille. Cela peut constituer un des moyens de communication avec son enfant, pouvant désamorcer certaines crises.

Elle estime que le cap des 18 mois est très important dans le développement. La coordination pieds et mains s'affine et apporte une liberté inconsidérable. C'est souvent à cet âge là qu'on voit les petits, concentrés comme s'ils peignaient la Joconde, faire des allers-retours avec un seau remplie d'eau/de terre/de jouets/tout autre objet à sa portée pour aller le vider plus loin. Et refaire l'opération. Indéfiniment. De notre place d'adulte c'est fascinant à regarder, puis si on ne connaît pas la psyché de l'enfant, viennent vite les interrogations dont la fondamentale : Pourquoi ? Pour rien. Parce que c'est fun de découvrir qu'on est capable de faire ça.
C'est également à 18 mois que le besoin d'achèvement de l'action devient impérieux. Il suffit d'arrêter le petit dans sa tâche en apparence inutile de transvasement et voilà qu'une crise monstrueuse éclate, qui ferait passer le conflit Israélo-Palestinien pour une simple querelle de pacotille. Ou alors quand nous, adultes, intervenons en apparence pour aider, alors qu'en fait, nous ne faisons que stopper. C'est pour le deuxième apport fondamental de Montessori, cette quête de l'achèvement, et qui m'a beaucoup aidé à comprendre les enfants en crise que je côtoyais.

Elle parle beaucoup de l'enfant qui naît dans l'amour, qui est accueilli dans l'amour, comme si cela était naturel. Je pense qu'il me faudrait lire d'autres livres d'elle car je suis étonnée qu'elle ne soit pas plus en nuance car entre les violences conjugales (durant la grossesse notamment), les viols, la violence physique et verbale, et autres problèmes d'alcoolisation et de drogues, on a pas forcément l'amour à tout les coins de rues. Elle estime que "le sacrifice des parents est quelque chose de naturel, qui donne de la joie, qui ainsi n'est pas ressenti comme un sacrifice ; c'est la vie même !". On est pas loin du "c'est trop bien de se lever à 1h du matin pour filer le sein/le biberon au bébé, c'est un tel moment de communion avec son enfant hihihihihi". Ouais mais non. Mais bon, contextualisons : élevée dans une famille bourgeoise, à une époque où la parentalité est imposée à tous comme étant LE choix de vie par excellence qui rend heureux. D'ailleurs on sent l'influence de son origine bourgeois dans son propos sur la pauvreté, on sent une volonté de se détacher de son milieu d'origine qui ne semble pas l'avoir comblé. Pour elle, l'enfant de pauvre a "une richesse intérieure" car il vit dans des "conditions naturelles" que n'ont pas les enfants élevés dans la richesse. Inutile de dire qu'à ce moment du livre j'ai éclaté de rire tellement ça me semble incongru. Ainsi sachez "qu'il ne faut pas craindre la pauvreté car c'est une condition hautement spirituelle".
Je m'en rappellerais les fins de mois difficiles tiens : "chéri, on a plus de chocolat mais t'inquiètes, on a une condition spirituelle truc de ouf".

Pour elle, le monde moderne a rendu insensible les mères aux périodes sensibles. Et là encore, contextualisons, car dans ce livre, le père n'apparaît jamais. Elle parle de mère, de maternité et d'amour maternel. Rien d'autre.
Elle critique assez vivement la médicalisation de l'accouchement, comme si les femmes rataient le coche de la naissance. Elle exprime cela par l'expression "la terreur de la naissance", qui fragiliserait le nouveau-né. En cela, difficile de la contredire, même si là encore je trouve que le fardeau de la responsabilité échoie, une fois encore, aux mères.

Autre point qui nécessiterait un approfondissement grâce au reste de sa bibliographie, tant cela m'étonne, est sa rigidité apparente dans les repères de développement, qu'elle nuance peu par l'individualité de l'enfant. Un comble ! Ainsi, pour elle, l'enfant tient assis à 6 mois, fait du 4 pattes à 9, est debout à 10, marche à 12-13 mois (alors que nous savons, aujourd'hui, que la marche peut arriver bien plus tardivement sans aucun soucis médical, et que les enfants marchant à 1 an sont considéré comme en avance au niveau moteur) et à 15 mois marche avec assurance. La feuille de route est donnée, merci aurevoir.
Elle parle également de perfection quand elle aborde le comportement, notamment face aux apprentissages et ses difficultés qui ne rendent pas l'enfant "modèle". Là aussi ce discours m'étonne tant il tranche, pour moi, avec sa philosophie de l'éducation. Elle estime ainsi qu'il existe à la naissance et lors de la vie intra-utérine, des chocs "très difficiles à corriger". Sur ce point là, les années ont prouvé le contraire, notamment grâce à l'apport phare de Boris Cyrulnik et son propos sur la résilience. Oui, beaucoup de choses se jouent avant trois ans, mais rien n'est marqué dans le marbre.

Bref, un livre très riche centré sur l'apprentissage, qui souffre à mon sens du décalage avec la société d'aujourd'hui et qui paraît sur certains points surannés face au développement de la connaissance sur le cerveau, le bébé ainsi que sur les neurosciences affectives (qui sera l'objet d'un futur article, quand j'aurais fini la conférence de Catherine Gueguen)(en gros peut-être dans 10 ans cet article verra le jour). Elle clôt son livre avec la description de l'enseignante Montessori "type". Conseil : ne prenez même pas la peine de le lire, votre féminisme en prendrait un coup. Mais comme je suis gentille et que je veux vous faire rigoler, je partage.
Comme elle le décrit dans son livre, la maîtresse (et seulement la maîtresse, point de maître nous avons dit) Montessori travaille sur l'ambiance grâce à du matériel qui doit être maintenu neuf et beau. Et, pour aller avec la beauté de ce beau matériel, la maîtresse doit être attrayante, jeune, belle, habillée avec goût, soignée, gaie et digne tout en restant gracieuse. Rien que ça. Elle souhaite en fait que la maîtresse Montessori fasse en sorte que "l'enfant, inconsciemment, puisse lui faire honneur de la trouver aussi belle que sa mère, qui est naturellement son idéal de beauté". Les ravages du patriarcat.

vendredi 22 janvier 2016

Vis ma vie #3

Quand, après lui avoir installé un coin de jeux immense, j'espère qu'elle joue seule.


Quand elle se réveille après la sieste


Quand elle m'entend chanter dans la oiture

« cette personne a eu le droit de se reproduire ? Je vais l'entendre chanter souvent ? Genre toute ma vie ?! OMG »

Quand elle lutte contre le sommeil

mercredi 20 janvier 2016

Réflexion sur le tire-lait

 Aujourd'hui j'ai envie de parler, ou plutôt de réfléchir sur le tire-lait. Je tire mon lait depuis les deux mois de ma fille, en vue d'une reprise du travail, et j'ai découvert dans la foulée toutes les images, représentations et fantasmagories liées au tire-lait.

Le tire-lait, pour beaucoup, renvoie à l'imaginaire fermier, de la vache que l'on trait pour récupérer le lait. Je suis toujours en colère quand je lis des témoignages sur des femmes qui se sont fait traiter de manière méprisante, ramenée à cet imaginaire. De ce fait, je trouve qu'il y a beaucoup de gêne, beaucoup de non-dits et de tabou lorsqu'on franchit le pas pour louer un tire-lait. Mes collègues de travail sont toujours surpris que je ne fasse pas "l'effort" de prendre quelque chose de moins voyant pour transporter mon tire-lait (c'est la malette de protection de la pharmacie, effectivement elle est énorme, mais bon, quelle flemme de chercher autre chose). Un relent de honte ? De fausse pudeur ? Bien sûr, il y a les représentations personnelles, subjectives, que chacune entretient avec l'engin. Mais au fond, dans la société dans laquelle on vit, nos représentations sont-elles libres ? Pourquoi des représentations aussi violentes pour un objet porteur de liberté ? J'y vois pour ma part beaucoup de sexisme. Je rapproche le tire-lait de la contraception : un outil de liberté et d'émancipation. Et comme tout outil, il reste un choix, non une obligation. C'est un outil comme un autre qui permet de prendre le contrôle. On contrôle notre allaitement (si toute fois on peut dire qu'on peut contrôle l'allaitement, mais là est un autre débat !), on choisit de tirer pour des raisons précises comme la reprise du travail ou la possibilité de déléguer. On a la main. Quel pouvoir !

Cet allaitement hypocritement encouragé dans notre société, dénué de tout accompagnement, on en voit les failles quand on se retrouve pour la première fois devant un tire-lait. Quand tirer ? C'est normal de peu tirer ? Que faire ? Quel accompagnement dans la mise en oeuvre de ce tirage ?

Il est normal de peu tirer au début, le corps s'adapte. On tire plus lorsqu'on le fait pendant la tétée. Et autre conseil : je tire bien plus efficacement depuis que je ritualise le tirage. Le matin je tire avec la petite, pendant qu'elle joue à triturer le fil. Le soir, je tire avec du thé et mon mec à côté qui fait des blagues.