Début décembre j’ai été hospitalisée en urgences pour deux
jours et une nuit. Une séparation brutale d’avec ma petite de 4 mois, allaitée
exclusivement. Outre l’inquiétude pour ma santé, mon conjoint s’est retrouvé
comme une poule devant un couteau, comme on dit. Comment ça mange ces bêtes-là,
quand il n’y a pas les seins de maman ? Elle était habituée au biberon,
grâce à son entrée en crèche, mais pas du tout au lait artificiel. On avait déjà
parlé d’une transition, quand il s’informait sur le mixte, et je lui avais qu’en
théorie, dans l’idéal, le passage LM/LA se préparait, parce que certains bébés
allaités pouvaient refuser le LA.
Donc là, on va dire que pour la préparation, c’était plutôt
loupé. Il a pu tenir grâce à mes réserves de lait congelé pour la crèche, le
temps de l’ouverture le lundi des commerces. Et s’est de nouveau retrouvé comme
un couillon devant l’immense rayon LA du magasin. Quoi prendre ? On avait
peu parlé de ce point, même si on savait qu’on se tournerait spontanément vers
un lait bio. C’est comme ça qu’il a pris le BabyBio Optima 1 relai d’allaitement.
Et il a ouvert la boîte. Et il y avait pas de mesurette.
Vous avez dit poissards ?
Il est allé quémander une mesurette à la pharmacie et est
reparti avec un nouveau lait sous le bras, un peu furax. Il a donc testé le
Nestlé Nidal 1er âge relai d’allaitement. Conformément à mon
souhait, que j’ai réussi à lui donner entre deux évanouissements, il n’a pas
regardé la composition. On était déjà dans l’urgence, inutile de nous rajouter
de la culpabilisation car on avait quasiment pris le premier lait qui passait.
Le passage au biberon fut difficile. La petite a
pris le LA directement, sans préparation, sans rechigner. Nous sommes persuadés
qu’elle a compris ce qu’il se passait. Elle a gardé son rythme d’allaitement :
de petites quantités (max 90, le plus souvent 60ml) et réclamait toutes les
1h30/2h. On était donc loin, loin des 3h. Et malgré les conseils, nous avons
préféré lui donner quand elle réclamait, sans attendre ces sacro-saintes 3h. J’ai
eu beaucoup de mal à lui donner le biberon, le geste, le manque d’habitude. De
son côté le transit était plus difficile, elle pleurait beaucoup, semblait plus
difficile à apaiser. Je me suis retrouvée avec un bébé aux rythmes explosés,
qui ne dormait plus dans son lit seule la journée, qui se réveillait
constamment la nuit (le prochain qui me sort qu’avec le LA le bébé fait des
nuits complètes, je le tue, comme ça, voilà, merci aurevoir), qui refusait que
quiconque d’autre que moi ne la prenne dans ses bras. Bref, l’horreur absolue, et tout ça à gérer avec la fatigue exacerbée.
Le passage du Nestlé au Babybio a aidé, surtout que je me sentais
beaucoup plus en confiance, instinctivement, avec celui-ci. Pour moi, la
consistance du premier me faisait penser à de la coke. De la poudre qui me
donnait une impression de briller, argentée, et très volatile. Le babybio, lui,
ressemble plus à du sable et c’est pour ça qu’on ne trouvait pas la mesurette,
elle était cachée dedans la coquine !
En parallèle, mon côté têtu avait décidé que je ne
laisserais pas le sort mettre fin à mon allaitement à cause d’un traitement
incompatible (les médecins ont essayé de me donner quelque chose de compatible,
mais ce n’était pas possible, et je les remercie pour leur tentative), alors
que je ne l’avais pas choisi. Pourtant tout le monde autour de moi me disait « oh
ben c’est le moment d’arrêter non ? C’est l’occasion ! »

« L’occasion ». Ce mot sans volonté de nuire me
faisait très mal à entendre. On parlait d’un arrêt brutal d’allaitement, suite
à une hospitalisation que j’ai trouvé interminable, une séparation tout aussi
brutale. Ce n’était pas une « occasion ». Du coup, soutenue
uniquement par mon conjoint, j’ai tiré mon lait 2 à 3 fois par jour, avec un
pincement au cœur en jetant tout ça. Je me suis gavée de tisane d’allaitement saupoudrée
de Galactogil (granules homéopathique pour soutenir la production lactée),
ainsi que de plats à base de fenouil. En gros, je me suis transformé en
fenouil. Le top du sexy. L’entourage ne comprenait pas trop pourquoi je
dépensais une telle énergie et du temps à vouloir maintenir un allaitement qui,
peut-être, ne repartirait pas. Je me suis rapprochée d’une conseillère en
lactation mais avec les fêtes nous n’avons pas eu la possibilité d’échanger et
je me suis retrouvée assez seule. Elle m’a conseillé de masser mes seins ainsi
que de compresser pendant la tétée pour aider le réflexe d’éjection, et de
proposer les deux seins plusieurs fois en une seule tétée. Encore aujourd’hui
ça m’aide.
Quand je l’ai remise au sein après une semaine d’arrêt, j’ai
cru pleurer de soulagement. Pour moi, tout allait rentrer dans l’ordre. J’ai eu
un coup au cœur en constatant que j’avais eu un poil trop d’espoir et que la
complémentation restait nécessaire. Elle tirait sur mon sein, s’énervait, puis
finissait par le repousser en pleurant. Je l’ai mal vécu les trois premiers
jours, j’avais peur de ne plus pouvoir allaiter, de ne plus avoir le choix. Et
puis on est revenu à de l’exclusif. Pour 6 jours seulement.
Aujourd’hui, elle réclame de temps en temps un biberon, de
LA quand on est à l’extérieur, de LM si on est à la maison et que j’ai du stock
(stock que je prévoie principalement pour la crèche). Je le vis mieux. J’imagine
ma fille comme une petite nénétte qui fait les magasins : une tétée
par-ci, et puis hop un biberon, puis de nouveau une tétée, et puis hop ce sont
les soldes je prends les deux. Les biberons réclamés sont souvent aux mêmes
horaires : aux alentours de midi ou au moment du coucher. En somme, quand
elle est fatiguée et que téter doit être difficile. Notre mixte un peu
anarchique semble lui convenir, même si j’aimerais m’en passer et revenir à du
100% exclusif.
Après cette tornade, avec mon compagnon on s’est penché sur
la composition des laits. Et quand j’ai vu qu’il y avait de la taurine dans le
Nestlé, j’ai fondu en larmes. Pour moi, la taurine c’est du Redbull. Oui je sais, belle envolée dramatique. Je me
rappelais de ma fille à ce moment-là, de ses pleurs, de son sommeil moisi, de son agitation constante. Et
je lisais le mot taurine. J’ai mis du temps à me détacher de cette culpabilité.
Me documenter m’a aidé. J’ai ainsi lu que la taurine était naturellement
présente dans l’organisme, et même dans le lait maternel. Mais que la question
des quantités « acceptable » restait une question encore peu abordée.
J’ai lu que le Babybio n'en contenait pas, mais contenait de l’aluminium, mais spontanément je
« préfère » donner de l’alu que de la taurine qui est pour l’instant
dans mon esprit trop négativement connotée.
Cette épreuve m’a fait prendre conscience que je tenais bien
plus à l’allaitement que ce je croyais. Outre l’indéniable côté pratique dont j’avais
déjà parlé (et d’ailleurs pendant la semaine 100% biberon je me suis sentie
comme une mule à chaque fois que je sortais, surtout que nous n’étions pas
équipé pour rendre les expéditions plus pratique)(bénie soit la personne qui
inventé le petit machin pour ranger la poudre là, et qui a trois
compartiments), le côté émotionnel s’est brusquement révélé. Je savoure
beaucoup plus les tétées, je savoure ma chance d’avoir pu reprendre, je savoure
le calme que le LM lui insuffle, sa sérénité, le retour de son rythme. Quelle
est la part de l’habitude, de la psychologie et quelle est la part réellement
attribuable à l’allaitement ? On ne le saura jamais. Mais depuis cette
aventure, je ne suis plus dans la dynamique de petits pas ambiance « on
verra à 9 mois si j’allaite toujours ». Je veux allaiter longtemps et la
seule chose qui me fera arrêter, ce sera elle.