mardi 24 novembre 2015

Vis ma vie #2



Quand tu tires ton lait au travail et que quelqu’un toque à la porte


Quand à chaque fois que tu passe le seuil de la crèche et que tu la vois tout sourire dans les bras des gens.


Quand les gens savent que tu reprends le travail et que spontanément ils te disent « ah ça y est, tu n'allaites plus ! »


Quand tu te demandes si tu vas réellement arriver à partir à l'heure chaque matin : sac du tire-lait, glacière avec le lait, sac de boulot, sac pour la gamelle du midi, le sac de la crèche et le cosy (avec le bébé dedans)(c’est mieux)(parait-il)

 Quand elle se lève à 6h30 un dimanche post-soirée

vendredi 20 novembre 2015

La place du père

En France, les pères ont trois jours à la naissance, et 11 jours de congé paternité. Ces onze jours sont pris à la suite, samedi et dimanche compris. En gros, en France, la place du père n'est pas prise en compte. Alors oui, il y a bien cette loi passée pour encourager les pères à prendre 6 mois du congé parental. Quelle hypocrisie … Passer de « peanuts en congé paternité » à « youhou les mecs vous pouvez prendre 6 mois ! » il y a quelques étapes qui ont été allègrement grillées. Et quand on fera le bilan, les têtes « pensantes » qui ont pondu cette aberration pourront se dire qu'ils ont essayé d'avancer les choses, mais que c'est la société et les citoyens qui ne veulent pas de ce pas d'égalité en avant. Ouais. Sauf que la vie c'est pas un kiwi.

J'ai pu observer tout cela depuis la naissance de ma fille. Mon compagnon a toujours dit qu'il serait présent (même si l'accouchement le faisait un peu flipper rapport aux récits dantesque de boucherie qu'on lui a raconté)(pas merci les gens) et qu'il ne serait pas comme son père, même s'il me disait qu'il allait falloir que je l'entraîne car soi-disant il a aucun feeling avec les enfants (mon œil, dès qu'il est à proximité d'enfants, ces derniers sont mystérieusement attirés vers lui avec de grands sourires). Du coup avant l'arrivée de la petite, même s'il mettait ses distances pudiques, je lui parlais des massages du ventre, de tout ce qu'on peut vérifier lorsqu'un enfant pleure ou autres astuces glanées ici et là pour survivre à une crise de pleurs inconsolable.
Sauf qu'on ne connaît pas l'enfant qu'on met au monde. Aimera-t-il être contenu ou au contraire libre ? Colique ou pas ? Grande poussée de croissance ou petit modèle ? Appréciera-t-il le bruit ou non ? Et les massages alors ? Acceptera-t-il d'être touché ? Et les bains qu'on décrit comme LE moment père-enfant, s'il aime pas on fait quoi ?

Bah on s'adapte. Sauf que si j'ai un sens inné du lâcher prise, mon compagnon a un peu plus du mal avec le concept de perte de contrôle. Si pendant le congé paternité, il mettait un point d'honneur à tout faire, quitte à faire la course pour qui sera le premier à changer la petite, sa reprise du travail a tout chamboulé. Départ à 6h30 le matin, retour entre 17h30 et 18h00, voir 18h30 et plus. Rythme du bébé : 7h-18h30, ou 19h00 les jours où c'est la teuf. Pas besoin d'être Einstein pour voir le soucis … J'essaye, certains jours, de repousser le plus possible son coucher, bien qu'on écope de pleurs de fatigue en retour. Durant un mois et demi, avant les vacances de Toussaint, il n'a vu sa fille qu'une demi-heure par jour, les bons jours. Il se rattrapait le week-end, mais avec un manque évident de confiance en lui et en ses décisions. Par exemple, dès qu'elle pleurait trop longtemps, il perdait pied et me la donnait. Il me disait, tristement, « elle veut seulement sa maman » ou encore « c'est dommage que je n'ai pas de sein » ou même "elle a peur de moi". Il me voyait (et me voit toujours, continuons de m'envoyer des fleurs) comme une héroïne du quotidien, toujours zen et détendue, qui réussit à calmer les pleurs très rapidement.

A cause du temps, à cause du travail, il ne connaissait pas sa fille. Nos vacances de la Toussaint, loin de France, dans un environnement nouveau, ont littéralement changé notre vie et jamais billets d'avion n'ont été aussi bien investis. Peut-être à mettre sur la liste de naissance ? Pendant 15 jours, il est resté H24 aux côtés de sa fille, à dormir dans la même chambre, à la porter la journée (je faisais semblant d'être siiiiii fatiguée pour marcher en portant ma fille, olalala quelle chochotte quand même
ces jeunes mamans fiou), à être à son écoute de manière décuplée car il fallait qu'elle s'adapte à un nouvel environnement. Et le mardi de la rentrée, il l'a gardé seul une journée entière, sans un heurts, avec des pleurs gérés d'une main de maître. Je vous dis pas qu'il était au top de sa forme le matin, il avait même plutôt le trouillomètre à zéro, mais il était ravi d'être avec elle. Depuis il s'investit beaucoup plus auprès d'elle, il la connaît, il la comprend. Pendant un mois et demi il a fait preuve de beaucoup d'efforts pour être auprès de cet être qu'il ne connaissait que trop peu, et je trouve que son acharnement a été récompensé avec cette journée. Vive les vacances !

Tout ce racontage de vie pour dire : la vie des couples pourraient aller mieux si le père avait plus de jours de congé post-naissance, pour découvrir leur enfant. Combien de mères au bord de la dépression post-partum par manque de relai ? Combien de disputes car « oh tu sais pas comment faire, passe la moi » ou encore de « ah bon, tu n'as pas fait le ménage/le bricolage/fais l’ascension de l'Himalaya alors que tu travailles » car il n'a pas pris la mesure de ce que c'était, une journée avec un nourrisson. 
Ca et bien sûr un arrêt total de l'éducation genrée à base de petits balais et poupons pour les filles, et de gros outils de bricolage pour les garçons. La parentalité n'est pas qu'une histoire de femmes.


(évidemment, j'ai conscience que c'est un article simpliste sur la place des hommes dans la parentalité, qu'il y a un mélange de paramètres sociologiques, psychologiques mais également individuel, façonnés notamment par l'éducation, et qu'aucun homme ne se ressemble)

mardi 17 novembre 2015

Parce qu'il faut toujours continuer

Aujourd'hui, je voulais vous parler de plein de choses, ayant enfin le temps depuis la reprise du travail. Je voulais parler de voyage et de sorties avec un bébé, de la poursuite de l'allaitement avec la reprise du travail (facilitée par mon mi-temps), des apprentissages de mon compagnon en tant que père. Puis finalement, ce n'est pas encore l'heure, pas tout de suite.

Comme je le disais dans ma présentation, je suis assistante de service social. Depuis vendredi soir je me prépare à mon premier jour de la semaine, pour accueillir élèves ou personnels. Si la minute de silence de janvier avait été quelque peu perturbée dans la plupart des établissements de mon département, celle-ci s'est fait dans un silence religieux. Quelques commentaires d'élèves, que m'ont transmis les profs, font plaisir à entendre car ils sont plein de solidarité, d'espoir et d'incompréhension, là où la politique avait joué les troubles fêtes en janvier. Honnêtement, je n'y croyais pas. Je travaille dans un département marqué par la précarité grandissante et par la montée du Front National. Un cocktail détonnant. Aujourd'hui, dans notre établissement, nous n'avons eu à accompagner aucun élève en difficulté avec les attentats, les professeurs ont géré les questions de compréhension posées dans un grand respect. Néanmoins, c'est la détresse des personnels que j'ai eu à accompagner : l'une avait sa fille au Bataclan et a passé de longues heures d'attente, terrorisée ; l'autre avait son fils dans le café d'à côté, tête en l'air, il n'avait pas pu prendre sa place pour le concert, il est sauf mais il a perdu trois amis. Comment trouver les mots pour accompagner ? A chaque fois que je commence un entretien délicat je me pose la question, et même à la fin de ce genre entretien je n'ai pas la réponse.

Pour tout les parents qui passeraient ici, par hasard, voici un lien regroupant plusieurs outils de réflexion mais également de paroles, pour gérer ce moment avec les enfants, petits ou grands :
http://classetice.fr/spip.php?article428&var_mode=calcul

Et bon courage à tous.

Et comme le dirait cet homme, au témoignage poignant, qui est désormais seul avec son fils de 18 mois : Vous n'aurez pas notre haine.