vendredi 8 janvier 2016

Mon hospitalisation et l'allaitement



Début décembre j’ai été hospitalisée en urgences pour deux jours et une nuit. Une séparation brutale d’avec ma petite de 4 mois, allaitée exclusivement. Outre l’inquiétude pour ma santé, mon conjoint s’est retrouvé comme une poule devant un couteau, comme on dit. Comment ça mange ces bêtes-là, quand il n’y a pas les seins de maman ? Elle était habituée au biberon, grâce à son entrée en crèche, mais pas du tout au lait artificiel. On avait déjà parlé d’une transition, quand il s’informait sur le mixte, et je lui avais qu’en théorie, dans l’idéal, le passage LM/LA se préparait, parce que certains bébés allaités pouvaient refuser le LA.
Donc là, on va dire que pour la préparation, c’était plutôt loupé. Il a pu tenir grâce à mes réserves de lait congelé pour la crèche, le temps de l’ouverture le lundi des commerces. Et s’est de nouveau retrouvé comme un couillon devant l’immense rayon LA du magasin. Quoi prendre ? On avait peu parlé de ce point, même si on savait qu’on se tournerait spontanément vers un lait bio. C’est comme ça qu’il a pris le BabyBio Optima 1 relai d’allaitement. Et il a ouvert la boîte. Et il y avait pas de mesurette.

Vous avez dit poissards ?

Il est allé quémander une mesurette à la pharmacie et est reparti avec un nouveau lait sous le bras, un peu furax. Il a donc testé le Nestlé Nidal 1er âge relai d’allaitement. Conformément à mon souhait, que j’ai réussi à lui donner entre deux évanouissements, il n’a pas regardé la composition. On était déjà dans l’urgence, inutile de nous rajouter de la culpabilisation car on avait quasiment pris le premier lait qui passait. 

Le passage au biberon fut difficile. La petite a pris le LA directement, sans préparation, sans rechigner. Nous sommes persuadés qu’elle a compris ce qu’il se passait. Elle a gardé son rythme d’allaitement : de petites quantités (max 90, le plus souvent 60ml) et réclamait toutes les 1h30/2h. On était donc loin, loin des 3h. Et malgré les conseils, nous avons préféré lui donner quand elle réclamait, sans attendre ces sacro-saintes 3h. J’ai eu beaucoup de mal à lui donner le biberon, le geste, le manque d’habitude. De son côté le transit était plus difficile, elle pleurait beaucoup, semblait plus difficile à apaiser. Je me suis retrouvée avec un bébé aux rythmes explosés, qui ne dormait plus dans son lit seule la journée, qui se réveillait constamment la nuit (le prochain qui me sort qu’avec le LA le bébé fait des nuits complètes, je le tue, comme ça, voilà, merci aurevoir), qui refusait que quiconque d’autre que moi ne la prenne dans ses bras. Bref, l’horreur absolue, et tout ça à gérer avec la fatigue exacerbée. Le passage du Nestlé au Babybio a aidé, surtout que je me sentais beaucoup plus en confiance, instinctivement, avec celui-ci. Pour moi, la consistance du premier me faisait penser à de la coke. De la poudre qui me donnait une impression de briller, argentée, et très volatile. Le babybio, lui, ressemble plus à du sable et c’est pour ça qu’on ne trouvait pas la mesurette, elle était cachée dedans la coquine !

En parallèle, mon côté têtu avait décidé que je ne laisserais pas le sort mettre fin à mon allaitement à cause d’un traitement incompatible (les médecins ont essayé de me donner quelque chose de compatible, mais ce n’était pas possible, et je les remercie pour leur tentative), alors que je ne l’avais pas choisi. Pourtant tout le monde autour de moi me disait « oh ben c’est le moment d’arrêter non ? C’est l’occasion ! »



« L’occasion ». Ce mot sans volonté de nuire me faisait très mal à entendre. On parlait d’un arrêt brutal d’allaitement, suite à une hospitalisation que j’ai trouvé interminable, une séparation tout aussi brutale. Ce n’était pas une « occasion ». Du coup, soutenue uniquement par mon conjoint, j’ai tiré mon lait 2 à 3 fois par jour, avec un pincement au cœur en jetant tout ça. Je me suis gavée de tisane d’allaitement saupoudrée de Galactogil (granules homéopathique pour soutenir la production lactée), ainsi que de plats à base de fenouil. En gros, je me suis transformé en fenouil. Le top du sexy. L’entourage ne comprenait pas trop pourquoi je dépensais une telle énergie et du temps à vouloir maintenir un allaitement qui, peut-être, ne repartirait pas. Je me suis rapprochée d’une conseillère en lactation mais avec les fêtes nous n’avons pas eu la possibilité d’échanger et je me suis retrouvée assez seule. Elle m’a conseillé de masser mes seins ainsi que de compresser pendant la tétée pour aider le réflexe d’éjection, et de proposer les deux seins plusieurs fois en une seule tétée. Encore aujourd’hui ça m’aide.

Quand je l’ai remise au sein après une semaine d’arrêt, j’ai cru pleurer de soulagement. Pour moi, tout allait rentrer dans l’ordre. J’ai eu un coup au cœur en constatant que j’avais eu un poil trop d’espoir et que la complémentation restait nécessaire. Elle tirait sur mon sein, s’énervait, puis finissait par le repousser en pleurant. Je l’ai mal vécu les trois premiers jours, j’avais peur de ne plus pouvoir allaiter, de ne plus avoir le choix. Et puis on est revenu à de l’exclusif. Pour 6 jours seulement.

Aujourd’hui, elle réclame de temps en temps un biberon, de LA quand on est à l’extérieur, de LM si on est à la maison et que j’ai du stock (stock que je prévoie principalement pour la crèche). Je le vis mieux. J’imagine ma fille comme une petite nénétte qui fait les magasins : une tétée par-ci, et puis hop un biberon, puis de nouveau une tétée, et puis hop ce sont les soldes je prends les deux. Les biberons réclamés sont souvent aux mêmes horaires : aux alentours de midi ou au moment du coucher. En somme, quand elle est fatiguée et que téter doit être difficile. Notre mixte un peu anarchique semble lui convenir, même si j’aimerais m’en passer et revenir à du 100% exclusif.

Après cette tornade, avec mon compagnon on s’est penché sur la composition des laits. Et quand j’ai vu qu’il y avait de la taurine dans le Nestlé, j’ai fondu en larmes. Pour moi, la taurine c’est du Redbull. Oui je sais, belle envolée dramatique. Je me rappelais de ma fille à ce moment-là, de ses pleurs, de son sommeil moisi, de son agitation constante. Et je lisais le mot taurine. J’ai mis du temps à me détacher de cette culpabilité. Me documenter m’a aidé. J’ai ainsi lu que la taurine était naturellement présente dans l’organisme, et même dans le lait maternel. Mais que la question des quantités « acceptable » restait une question encore peu abordée. J’ai lu que le Babybio n'en contenait pas, mais contenait de l’aluminium, mais spontanément je « préfère » donner de l’alu que de la taurine qui est pour l’instant dans mon esprit trop négativement connotée.

Cette épreuve m’a fait prendre conscience que je tenais bien plus à l’allaitement que ce je croyais. Outre l’indéniable côté pratique dont j’avais déjà parlé (et d’ailleurs pendant la semaine 100% biberon je me suis sentie comme une mule à chaque fois que je sortais, surtout que nous n’étions pas équipé pour rendre les expéditions plus pratique)(bénie soit la personne qui inventé le petit machin pour ranger la poudre là, et qui a trois compartiments), le côté émotionnel s’est brusquement révélé. Je savoure beaucoup plus les tétées, je savoure ma chance d’avoir pu reprendre, je savoure le calme que le LM lui insuffle, sa sérénité, le retour de son rythme. Quelle est la part de l’habitude, de la psychologie et quelle est la part réellement attribuable à l’allaitement ? On ne le saura jamais. Mais depuis cette aventure, je ne suis plus dans la dynamique de petits pas ambiance « on verra à 9 mois si j’allaite toujours ». Je veux allaiter longtemps et la seule chose qui me fera arrêter, ce sera elle.

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